Brexit et European family law
Le 23 juin dernier, les Britanniques ont voté leur retrait de l’Union européenne. Ce retrait ne sera définitif qu’à l’issue d’une longue procédure de négociations et les conséquences n’en sont pas encore totalement connues. Qu’en sera-t-il du droit de l’Union européenne et, en particulier, des différents textes adoptés depuis 2000 en matière de droit de la famille ?
Partons de l’hypothèse d’une cessation d’application avec le Royaume-Uni de tous les règlements européens adoptés en la matière (Règlement « Bruxelles II bis », Règlement « obligations alimentaires »). Dans quelle mesure le Brexit (abréviation de « British Exit ») modifiera-t-il les litiges familiaux entre l’Europe et le Royaume-Uni ?
Il faut distinguer à notre sens les litiges relatifs aux enfants, à la responsabilité parentale et aux enlèvements d’enfants de ceux relatifs à la désunion et aux obligations alimentaires.
Sur le premier point, si le Règlement « Bruxelles II bis » cesse de s’appliquer entre le Royaume-Uni et l’Europe, on pourra certes regretter que ses règles renforçant la lutte contre les déplacements illicites ne puissent plus s’appliquer avec le Royaume-Uni, mais la Convention de La Haye du 25 octobre 1980 sur les aspects civils de l’enlèvement international d’enfant, qui s’appliquait auparavant entre le Royaume-Uni et les pays européens, continuera à s’appliquer. En ce qui concerne les litiges relatifs à la responsabilité parentale, la Convention de La Haye du 19 octobre 1996 concernant la compétence, la loi applicable, la reconnaissance, l’exécution et la coopération en matière de responsabilité parentale et de mesures de protection à l’égard des enfants s’appliquera puisqu’elle a été ratifiée par le Royaume-Uni et l’ensemble des pays membres de l’Union européenne. Assurément, les décisions ne bénéficieront plus de la même facilité de circulation que dans le cadre du Règlement « Bruxelles II bis », mais les règles de compétence énoncées par les deux textes sont extrêmement proches. Le principal tempérament concerne la prorogation de compétence plus stricte dans le cadre de la Convention de La Haye que dans le Règlement. Ainsi, dans le cadre du divorce de deux Français résidant à Londres, le juge français ne pourra plus être compétent pour statuer sur le sort des enfants communs résidant à Londres même si les deux époux sont d’accord pour proroger la compétence du juge français sur ce point.
Mais, la question qui préoccupe le plus aujourd’hui est essentiellement celle de savoir si le Brexit sonne le glas du divorce « Eurostar ». La réponse nous semble être négative. Même si le Royaume-Uni n’est plus dans l’Union européenne, le juge français sera toujours compétent en application de l’article 3 du Règlement « Bruxelles II bis » pour statuer sur le divorce de deux époux français résidant à Londres. Le problème cependant n’est pas là. Il s’agit davantage de savoir si le juge anglais, saisi après le juge français de ce divorce, acceptera de renoncer à sa compétence comme le lui imposait les règles strictes de litispendance posées par l’article 19 du Règlement. Ces règles étaient imposées par le droit européen et pas forcément bien acceptées par les juridictions britanniques. Selon les droits de pays de common law, la résolution de ces conflits de compétence internationale se fait plus au travers la détermination de la juridiction la mieux placée pour connaître du litige qu’en faveur de la juridiction première saisie. Ainsi, les juridictions anglaises, même si elles sont saisies en second de ce divorce, ne se dessaisiraient que s’il leur apparaît que le juge français présente un lien étroit avec le litige ; ce qui n’est pas certain si le couple, par exemple, réside en Angleterre depuis de nombreuses années, centre de ses principaux intérêts. Il y a donc sur ce point une très importante zone d’incertitude. Au demeurant, ce n’est pas sur la question du divorce que les difficultés se cristalliseront mais sur celle de ses conséquences alimentaires. Or, sur ce point, le Règlement « obligations alimentaires » ne s’appliquera plus. Cependant, il faut se rappeler qu’avant lui les dispositions du Règlement « Bruxelles I » permettaient au sein de l’Union européenne de déterminer les juridictions compétentes en matière alimentaire. Or, ce Règlement a lui-même remplacé la convention de Bruxelles du 27 septembre 1968 qui contenait des dispositions similaires. Cette convention n’a jamais été abrogée, elle lie toujours le Royaume-Uni et la plupart des États membres de l’Union européenne et elle contient une règle stricte de litispendance internationale (art. 21).
Brexit; Buxelles II bis; Union Européenne;, Convention de La Haye du 25 octobre 1980 sur les aspects civils de l'enlèvement international d'enfant, la Convention de La Haye du 19 octobre 1996